"L' univers du franÚais"   
    juin 2000 N 86

Association des Enseignants de franÚais de Russie


Le IX-e sÊminaire de l' Association des Enseignants de franÚais de Russie s'est tenu Á Moscou du 23 au 29 janvier sur le thÉme : La France et la francophonie aujourd'hui. Des enseignants et confÊrenciers venus de France et des pays francophones Êtaient prÊsents : un Êcrivain russe, un poÉte algÊrien, un Camerounais, un enseignant canadien, un Belge spÊcialiste des manuels scolaires, des FranÚais de l'Ambassade ou de Centres internationaux spÊcialisÊs dans l'enseignement du franÚais aux Êtrangers. Jeanne Aroutionova, prÊsidente de l'Association russe AEFR, ouvrit le sÊminaire. Notre Union Nationale avait adressÊ aux stagiaires russes une lettre soulignant l'enthousiasme des FranÚais de l'Union pour prÊparer le SÊminaire 2000 des professeurs de franÚais russes en juillet Á Paris, mais aussi les problÉmes financiers dus au fait que l'image de la Russie est ternie par la guerre en TchÊtchÊnie, d'oÝ la difficultÊ Á trouver certains financements en France pour l'accueil des enseignants russes. Ce point de vue sur le problÉme tchÊ-tchÉne recueillit l'accord des FranÚais et provoqua un mutisme tout diplomatique chez les Russes, mais nous pensons que les choses devaient Ëtre dites.

Il y avait 200 professeurs de l'enseignement secondaire et supÊrieur. Certains venaient de loin : de Perm (48 heures de train car on ne peut se payer l'avion), une enseignante de Zaozersk, prÉs de Mourmansk, participait pour la premiÉre fois Á 38 ans au'sÊminaire et tremblait de joie et d'Êmotion Á l'idÊe de voir enfin des FranÚais en chair et en os, elle n'osait pas nous parler de peur de faire des fautes, mais quand nous lui avons demandÊ de raconter sa ville et son Êcole, elle est devenue loquace : II fait jour de 10 h du matin Á 15 h et on mange tout l'hiver des lÊgumes frais qui poussent dans des serres. Une jeune enseignante habite le village de MaÐskoe (Á 400 km de Novossibirsk) et elle est la seule Á enseigner notre langue Á 350 km Á la ronde. Un professeur de Kaspiisk (Daghestan) nous a dit que chez lui tout est tranquille mais que les assistants franÚais ne peuvent travailler lÁ car on a peur qu'ils soient pris en otage par les TchÊtchÉnes.

Ils sont venus de tous les coins de la FÊdÊration de Russie :
du nord de la rÊpublique des Komis oÝ l'on parle, outre le russe, le Komis, langue finno-ougrienne (mËme racine que l'estonien), de Syktyvkar (la capitale), d'Inta, de Koudimkar; ils sont venus de la Bachkirie (Oufa, TchimbaÐ), de Mordovie (Rouzaevska), de SibÊrie (TchÊliabinsk), et du sud, de Chakhti ( prÉs de Rostov sur le Don); ils sont arrivÊs de Moscou et de sa rÊgion, bien sÙr, de Toula, d'Orenbourg, de Togliatti, de Krasnodar. Certains nous ont offert d'humbles petits cadeaux, dessins, °ufs en bois peint, petits tableaux, rÊalisÊs pour les FranÚais par les ÊlÉves de leur classe, avec des textes de bienvenue, rÊdigÊs tant bien que mal, mais tellement chaleureux.

Les stagiaires ont une connaissance du franÚais Êtonnamment bonne. Ils Êtudient avec aviditÊ la langue franÚaise, et certains font des comparaisons savantes et amusantes entre le vin de Bourgogne et la vodka. Ils sont curieux de connaÏtre la culture de notre pays oÝ un grand nombre d'entre eux n'a jamais mis les pieds. Ils me demandent de vous transmettre le bonjour (privet Francii), transmettre en fait leur amour pour une langue et une civilisation dont ils sont proches par le savoir et je ne puis que vous redire cette Êmotion.

Afin de faire vivre le franÚais dans les coins les plus reculÊs de la Russie, afin de le dÊfendre et de lutter contre l'emprise de l'anglais «qui n'envahit pas que l'Europe», ils apprennent Á leurs ÊlÉves des chants russes qu'ils ont traduits en franÚais, ou des chansons franÚaises qu'ils ont traduites en russe pour une premiÉre comprÊhension, ils organisent des concours, toutes sortes de jeux, et prÊsentent des petites piÉces de thÊ×tre dans des dÊcors habilement faits avec les moyens du bord, peu de moyens, mais beaucoup d'enthousiasme, de prÊsence et de savoir-faire... C'est cela l'Êducation, et c'est ainsi que les ÊlÉves perdus dans les neiges lointaines apprennent Á aimer la culture franÚaise.

A la fin de la semaine de travail, les Russes ont organisÊ, comme il est coutume de le faire en Russie Á la fin de l'annÊe scolaire, un spectacle «cocktail» ou un spectacle «feuille de choux» {kapoustnik, de kapousta, le choux), spectacle satirique qui pastiche les travers du professeur. La reprÊsentation qui nous fut offerte (chansons, danses, saynÉtes comiques, sketches) Êtait de qualitÊ et la langue franÚaise en Êtait performante; tout prouvait que notre message pÊdagogique de la semaine Êtait bien passÊ.

Valerie Grosjean , Universite de Franche-Compte


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