L’Association des Enseignants de Francais de Russie qui existe depuis 1990 a deux grands volets dans ses activites : Seminaires/Forums La France et la Francophonie aujourd’hui pour ceux et celles qui enseignent la langue de Moliere et de Baudelaire a travers l’immense Russie et Concours : Connaissez-vous la France et ses regions?/Festivals des theatres francophones Menestrel qui sont destines a tous les apprenants de cette belle langue.
Les Concours ont lieu chaque annee et reunissent de 130 a 210 participants. A l’issue de chaque Concours l’Association essaye de recompenser les gagnants en leur proposant des sejours en France. Le plus souvent, ces sejours sont offerts par l’ami fidele de l’Association – docteur Joseph GUEDEL. Grace a lui, plus d’ une vingtaine de professeurs russes de francais de Perm, Novokouznetsk, Nijni Taguil, Moscou, Inta, Mitichtchi etc, et une trentaine d’eleves et d’etudiants de villes differentes de Russie ont effectue des voyages de decouverte a Paris, a Grenoble, ont visite et admire des chateaux de la Loire, Chamonix. Les dernieres annees, grace aux contacts de l’Association avec des Ecoles et Centres linguistiques en France, des etudiants-gagnants des Concours vont en France pour perfectionner leurs connaissances en francais ( un des prochains numeros du journal va publier les impressions de celles qui ont eu la chance d’aller en France cet ete).
L’annee 2002 a ete celle du bicentenaire de Victor HUGO. A vrai dire, ce n’etait pas facile pour l’Association d’organiser la meme annee un voyage sur les traces de V.Hugo, car il fallait aider l’Union Nationale des Associations d’amitie France-Russie-CEI, notre partenaire, a preparer le Forum -2002 a Lille. Lors du Forum, j’ai parle de nos soucis a Mme Valentine GROSJEAN-ZERBINO, secretaire de l’Association Comte Baltique Amour qui fait partie de l’Union et aupres de qui j’ai trouve la comprehension et le soutien moral. Pendant toute l’annee, les deux cotes se preparaient au grand voyage. Et voila, le groupe est forme, tous les visas sont delivres et le matin du 4 juillet 2003 l’avion decolle pour nous deposer au bout de trois heures et demie a l’aeroport Charles de Gaulle a Paris. Le groupe comprenait 8 participants et 2 accompagnateurs (E. Y.Gorbatcheva et J.M.Aroutiounova). Je me permets de citer les noms des jeunes : Bolotova Aliona, Bizukov Nicolas, Li Elena (tous les trois de Krasnoiarsk), Sapojnikova Lidia (Ijevsk), Bobotov Dmitri et Zolotarchouk Elena (Gjel, region de Moscou), Yakimova Elena (Saransk), Abdrakhmanova Olga (Tcheliabinsk). Aller en France et ne pas voir Paris, cette ville-lumiere, c’est inimaginable. Et de nouveau des coups de fil, des fax, des mails qui retentissent, partent, qui se croisent. Enfin, grace a la bienveillance et la generosite de Benoit SABUT, president de l’Association France-Russie-Ivry, et de Antoine de SEAUVE, secretaire general, tous les problemes lies au sejour a Paris sont resolus et nos jeunes peuvent admirer la capitale francaise jour et nuit, voir Notre-Dame de Paris, Pantheon et Invalides, aller au Louvre, se promener a Monmartre, pique-niquer sur le Pont des Arts. Apres une nuit blanche a Paris, notre groupe arrive samedi soir, le 5 juillet, a la gare Viotte de Besancon ou des familles bisontines nous attendent. Elles sont toutes la, avec des fleurs et des gateaux, des « parents » francais prets a accueillir leurs « enfants » russes.
En se preparant au Concours, ses participants ont lu beaucoup de poemes et de romans de V.Hugo, ainsi que des livres sur sa vie et son oeuvre. Et les voila dans la ville natale de ce grand poete, ecrivain.
Capitale de la Franche-Comte, Besancon, aujourd’hui prefecture de region, est une ville privilegiee, pleine de charme et la plus verte de France dans les villes moyennes. Love dans un meandre du Doubs et domine par la citadelle edifiee par Vauban, son coeur ancien recelle un patrimoine exceptionnel et remarquable. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle beneficie du prestigieux label de Ville d’Art et d’Histoire attribue par le Ministere de la Culture. Au fil de ses rues le passe, fort riche, et le futur se rencontrent et se cotoient en toute harmonie .
La visite guidee qui nous a ete proposee par Pascal Brunet, nous a permis de decouvrir de superbes facades de pierre de taille bleues et ocres, des cours interieures avec des escaliers originaux exterieurs en bois ou en pierre, les vitraux magnifiques de la cathedrale Saint-Jean, le quartier « sauvegarde » et si bien restaure Battant-Arenes-Charmont, son artere principale la Grande-Rue pietonne, ou en 1802 dans l’immeuble du 140 est ne V. Hugo, la place Pasteur avec sa fontaine, la Prefecture, ancienne intendance, qui passe pour etre l’une des plus belles de France et le Grand Seminaire decrit par Stendhal dans son celebre roman Le Rouge et le Noir. Apres avoir dejeune au restaurant universitaire, nous avons visite le Musee des Beaux-Arts et d’archeologie qui est l’un des plus riches de province. Sa collection de peintres illustre les principaux courants de l’art europeen du XIV-e au XX-e siecles et devoile bon nombre de toiles de maitres. Aux cotes d’oeuvres de Cranach, Bellini, Bronzino, Titien, Tintoret, Rubens, Goya...figurent celles des Francais Boucher, David, Ingres, Gericault et... du franc-comtois Gustave Courbet. La maison natale de Courbet, meublee d’epoque, abrite le musee departemental et se trouve a Ornans, a 25 kilometres de Besancon.
Le lendemain, nous sommes partis « a la recherche de la cite ideale », a la Saline Royale d’Arc-et-Senans, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce chef-d’oeuvre mondial de l’architecture industrielle du siecle des Lumieres fut concu et construit sur ordre de Louis XV au tout debut du regne de Louis XVI. Destinee a la production du sel, la Saline Royale fut realisee entre 1775 et 1779, par Claude-Nicolas Ledoux, l’un des plus grands architectes de cette epoque. Construite en forme de demi-cercle, elle fonctionnait comme une usine integree dans laquelle etaient abrites, non seulemnt les lieux de production du sel, mais egalement les lieux d’habitation des ouvriers. Il faut dire qu’a cette epoque le sel avait une importance economique fondamentale. La matiere premiere, la saumure (eau salee) etait extraite de l’ancienne saline de Salins. Elle etait ensuite acheminee jusqu’a la Saline d’Arc-et-Senans par l’intermediaire de canalisations souterraines en bois, longues de 23 km. Une fois sur place, la saumure etait chauffee grace au bois de la foret de Chaux voisine. Le sel, ainsi recueilli par evaporation, etait vendu en grains ou moule en pains selon sa destination. Mais l’interet de cette saline ne se limite pas a son mode de fonctionnement original ou a son architecture exceptionnelle. Elle a egalement servi de base a la reflexion philosophique de Claude-Nicolas Ledoux, qui dressa les plans d’une cite ideale ou l’on peut dans l’harmonie « vivre et travailler ensemble ». Fascines par la Saline, nous nous dirigeons vers une autre merveille qui nous attend – les Grottes d’Osselle, feerie de cristaux, de lumiere et d’eau. Decouverte au XIII-e siecle, elle est avec Antyparos en Grece, la plus ancienne caverne pleine de tresors historiques et prehistoriques.
L’histoire riche de 10 siecles nous mene au Chateau de Joux, dont les premieres constructions remontent a 1034. Sur une superficie de deux hectares, on peut decouvrir l’evolution des moyens de defense : les grosses tours du Moyen Age, les bastions de l’epoque Vauban, le fort moderne construit en avant du chateau par Joffre a partir de 1879. Trois grands fosses equipes defendus par trois ponts-levis gardent un monde de prisons, du cachot de la legendaire Berthe de Joux aux cellules de Mirabeau, Kleist et Toussaint Louverture. On voit le grand puits, vertigineux cylindre creuse dans le roc, dont le souvenir reste grave dans la memoire.
Si l’on veut sentir toute la diversite de l’architecture rurale comtoise, il faut se rendre au Musee original de plein-air des Maisons Comtoises de Nancray, ce que nous avons fait un bel apres-midi. Nous avons voyage depuis le Sundgau belfortain avec ses fermes a colombages, jusque dans le Haut-Doubs avec la ferme des Arces et son tue, cheminee de 13 metres de hauteur servant a fumer la viande, nous y avons decouvert la vie des habitants a travers leurs mobiliers, leurs objets et leurs outils. Dans les ecuries, les soues, les pres du musee, nous avons vu des vaches montbeliardes, des chevaux de trait comtois, des cochons et des poules, des canards et des oies, des anes et des lapins, nous avons assiste a la cuisson du pain dans le four banal, au fumage des saucisses dans le tue et a la fabrication des fromages dans la fruitiere. Quant aux fromages comtois – Morbier, Raclette, Comte, Roquefort, Coulommiers, le Mont-d’Or, Cancoillotte, Munster, Emmental, etc - ils sont superbes et il est difficile de resister au peche de gourmandise. A Cleron, au coeur de la Vallee de la Loue, par exemple, on peut assister au grand spectacle des fromages de Franche-Comte et deguster les specialites comtoises (fromages et vins) dans un cadre extraordinaire.
Afin de decouvrir les innombrables richesses du patrimoine naturel, architectural, historique et culturel de Besancon et ses environs, il faut rendre visite a la Citadelle, chef-d’oeuvre du genial Vauban, construite entre 1668 et 1711. La Citadelle qui s’etend sur 11 hectares, surplombe de plus de 100 metres la vielle ville enserree dans une magnifique boucle formee par un meandre du Doubs. Les organisateurs de notre sejour ont prevu la visite de la Citadelle pour la fin, « pour la bonne bouche » pour sentir mieux toute la beaute de la ville et l’admirer depuis les remparts. Pour decouvrir l’histoire et l’architecture de la Citadelle, il faut prevoir treize etapes. Faute de temps, nous n’avons pas fait toutes les etapes, mais nous avons visite le Jardin Zoologique, l’Aquarium et le Nectarium, le Musee comtois et le Musee de la resistance et de la deportation. C’est dans ce musee que nous avons rencontre deux jeunes etudiantes de l’universite de Novossibirsk. Elles sont venues grace a Jean MOISSON, un autre grand ami de l’Association, par l’intermediaire du Lion’s Club.
Au cours de notre sejour, nous avons reussi a conjuguer les plaisirs de la decouverte aux visites amicales , un peu officielles a la Redaction du journal BVV – Besancon Votre Ville, a l’Hotel de ville ou le groupe a ete recu par l’adjointe aux relations exterieures, Mme Jacqueline PANIER et par le President de l’Association Comte Baltique Amour, M.Yves GENTILHOMME. Dans l’espoir de voir un jour le musee Victor Hugo (a notre grand regret, il n’existe pas encore) ouvrir ses portes, nous avons laisse comme des objets a y exposer, des ceramiques illustrees des portraits de Gavroche et Cosette faites par les eleves de l’ecole de Gjel, Dimitri Bobotov et Elena Zolotarchouk, des sculptures de Quasimodo et d’Esmeralda, des exposes des laureats du Concours.
Le temps passe tres vite, et voila la soiree d’adieu organisee par les familles a Boussieres, chez Christophe CAUQUOT. On a chante en russe et en francais, on a danse, on a echange des cadeaux, on a porte des toasts et on a beaucoup regrette le depart prevu pour le lendemain. Il est a noter que tous, nous avons ete recus comme des proches, en amis, a bras ouverts. Une fois de plus, nous avons senti l’hospitalite des Bisontins et compris que « la ou flotte le drapeau comtois, qui que tu sois, tu es chez toi ».
Le 13 juillet, tres tot le matin, nous avons quitte Besancon pour aller a Dijon, capitale de la Bourgogne. Nos amis de l’Association « Bourgogne-Eurcasie » ont organise une promenade a travers le Dijon matinal, belle ville aux cent clochers, qui nous a permis de voir l’arc de la porte Guillaume, de gouter l’atmosphere medievale rue Verrerie entre pans de bois et encorbellements, d’admirer l’hotel Chambellan, un joyau du gothique flamboyant, et les toits couverts de tuiles vernissees, de monter l’escalier majestueux pour acceder a la salle des Etats de l’Hotel de ville, d’entrer dans l’eglise Notre-Dame, etablie en plein coeur de la cite
et de toucher l’oiseau de la sagesse, la petite chouette de pierre, qui porte bonheur.
Le meme soir, nous sommes partis pour Paris ou nous attendaien nos amis et ange-gardiens, Benoit et Antoine. La veille du 14 juillet, a Paris, c’est incroyable. Nos amis ont reussi a nous loger au coeur de Paris, au pied du Pantheon. Presque tous les jeunes etaient pour la premiere fois en France, et je voulais absolument qu’ils voient Paris en fete, avec ses bals populaires et ses feux d’artifice, qu’ils assistent au defile du 14 juillet. En conjuguant nos efforts communs, tous ensemble, nous y avons reussi. Je profite de l’occasion pour exprimer au nom de l’Association des Enseignants de Francais en Russie, des participants au sejour et en mon nom personnel, nos remerciements chaleureux a tous les Bisontins, Dijonnais, Parisiens qui nous ont accueillis pour l’excellent sejour dans la douce France.
Jeanne Aroutiounova, presidente de l’AEFR