Dire que la joie petillart tres fort dans les yeux ebahis des membres de la delegation russe, recue a la salle des Carmes par la municipalite de Sairrt-Amand, serait un doux euphemisme. La bonne centaine de citoyens, ou plutot citoyennes, de la Grande Repu-blique de Russie, toutes et tous professeurs de francais, fraichement arrives le matin meme a Paris, n'en revenaient pas.
Une sorte de reve eveille, un inaccessible espoir enfin devenu realite, pour ces ambassadeurs et anibassadrices de charme de la langue francaise. qui de l'Oural a la Volga, enseignent a leurs eleves la langue de Moliere, sans avoir jamais mis les pieds en terre de France.
II y avait de l'emotion dans 1'air a la salle des Carmes de Saint-Amand, premier rendez-vous presque improvise en territoire francais et berrichon de surcroit.
Et Jeanna Aroutiounova, presidente de l'association des enseignants de francais, elle meme enseignante a l'universite de Moscou et chef du departement des langues vivantes, etait sous renchantement. "Vous savez, apprendre at enseigner une langue vivante, sans connaitre le pays en question, c'est a la fois frustrant et difficile, surtout quand on ne peut se referer a aucun repere vecu.
C'est d'autant plus rageant pour nous professeurs de francais, car cette langue est de plus en plus delaissee par les eleves au profit de l'anglais. La rideau de fer est aujourd'hui remplace par le rideeu "vert", celui du dollar et du system americain", avoue Jeanna, lucide malgre la joie intense qui l'envahit sur le moment.
La venue en France pour la premiere fois de cette delegation russe, et particulierement dans le Cher, sous l'impulsion de Robert Prosperini, inspecteur d'academie et directeur du centre IUFM de Bourges, ne doit rien au hasard.
"J'ai la conviction que 1'enseignant de l'an 2000 doit avoir une ouverture d'esprit importante, y compris sur l'etranger et les pays de l'Est, qui, depuis 1'ouverture sont geo-graphiquement des pays de l'Europe, meme s'ils sont encore dans une configuration fragile de democratie.
II faut necessairement des exemples a ces peuples, et leur venue en France ne peut que les alder. C'est aussi par altleurs un excellent rnoyen de detendre notre langue francaise a travers le monde, et pas seulement au niveau intellectuel, mais aussi au niveau economique."
On est d'autant plus tente de croire Robert Prosperini sur sa louable intention de rapprodiernent des peuples, quand on sait que sa charmante epouse est Russe, et qu'elle est de plus l'arriere-arriere-petite-fille de Leon Tolstoi.
Celui qui ayant recu dans sa prime jeunesse une culture essentiellement francaise, comme il etait de mise au XIX-e siecle en Russie, et qui fut l'idole de toute la jeunesse russe a cette epoque.
Le grand auteur aurait aime cette action, laissant u mille lieues la guerre et ne privilegiant que la paix et l'echange fratemel entre les peuples.
Jusqu'au 5 fevrier, la delegation russe, tiendra son congres a Bourges. Dimanche, apres le pot de l'amitie a Saint-Amand, elle prenait la route pour Vesdun, coeur de la France, ou Jean Dumontet avait tout mis en oeuvre, avec l'aide du foyer des jeunes de Saint-Amand, afin d'accueillir tout le monde pour le diner.
Avant de nous quitter Jeanna avait cette phrase qui resumait l'etat d'esprit de tout le groupe : " Regardez! Leurs yeux refletent ce qu'ils ressentent dans leur ftne. lla sont en train de dire : ce n'est pas possible, c'est inconcevable... "
Laurent SORIANO
